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VW Forest et nationalisme économique : l’arbre cache encore la foret...

samedi 2 décembre 2006, par François Rygaert (aka Suske)

Depuis l’annonce du plan dit "de restructuration" de l’usine de Forest, les médias sont sur le terrain et dans les coulisses socio-politiques pour nous éclairer sur ce drame socio-économique tant de fois annoncé... Et le bon vieux concept de nationalisme économique a été ressorti des armoires : c’est ce qui s’appelle passer à côté de l’essentiel.

Mon média préféré, c’est "la Première" (RTBf-radio) et globalement, j’y ai trouvé de bons reportages, j’y ai entendu de bonnes questions... Il leur reste malgré tout, surtout "sur le vif", cette f... tendance à récupérer le premier mot ou concept qui choque pour tenter de forcer les interlocuteurs à se positionner par rapport à lui. Et cela reste de la manipulation, pas de l’info...

Et les hommes et femmes politiques n’ont pas été en reste : la vidange forestoise, une décision dictée par un nationalisme économique ? Guy le Premier, Laurette la vice-Première, Elio le Baron rouge l’ont énoncé clairement. Didier le vice-Premier l’a subodoré sous réserve de confirmation. Et les gens au café du commerce de la gare de reprendre le thème en accusant l’Europe de permettre les décisions nationalistes en économie mais d’empêcher les protections nationales [1].

Au milieu de tout ça, un syndicaliste forestois a sonné la fin des stupidités. Refusant de s’aventurer sur ce terrain nauséabond, ce Monsieur a passé son temps à re-dire que
 les syndicats européens de VW étaient en contact permanent,
 la coordination était difficile du fait de "l’indépendance" complète des Etats dans les questions salariales et syndicales,
 la concurrence intra-européenne était déséquilibrée par les différences de niveau de vie et donc de coûts salariaux,
 tous étaient conscients qu’on se trouvait dans une spirale négative dénoncée de longue date
 que les collègues d’IG-Metal avaient défendu leurs camarades forestois tout en rappelant plusieurs fois que en fin de compte, la logique patronale allait finir par aboutir à une saignée dans le site espagnol de Pampelune
 que la mondialisation permet peut-être à certains états pauvres d’espérer monter dans l’ascenseur socio-économique mais que les salariés européens avaient eux aussi le besoin d’espérer...

Après quelques jours, la notion de nationalisme économique n’a plus trop été évoquée. C’est pas pour autant que nos politiques aient commencé à s’exprimer sur les mesures à préconiser pour réduire les risques d’implosion socio-économique ou pour enfin porter nos traditions de concertation sociale vers le niveau européen... Non pas ça quand même.

Pourtant, il faudrait peut-être se rappeler qu’il y a du boulot à ce niveau. Aussi longtemps que les concertations patronat/syndicat se passeront au niveau national, dans un corset délimité par la "compétitivité" et les niveaux des salaires chez nos-voisins-plus-gros-partenaires-économiques, on maintient les conditions de la résurgence des discours haineux et stupido-nationalistes.

Tiens, au fond, la concertation est en cours en Belgique pour l’établissement d’un accord social 2007-2008. Dans les discussions, se soucie-t-on de savoir si les mesures prises pour limiter les coûts salariaux ont une influence sur la situation de travailleurs ailleurs en Europe ?

Tiens, au fond, dans les discussions avec les patrons de VW pour maintenir à long terme une activité à Forest, croyez-vous qu’on se soucie des milliers d’ouvriers espagnols ou un chômeur espagnol serait-il moins un drame humain qu’un chômeur belge ?

Je crains qu’on s’occupe surtout de notre nombril et ce n’est pas l’effet d’un nationalisme économique belge. C’est que la course aux bénéfices est mondialisée tandis que la protection du niveau de vie des gens est microscopisée. Et tout ça, c’est bon pour les analystes boursiers et les dividendes des sociétés. En voilà des gens qui sont contents qu’on s’étripe sur les vieux concepts éculés : pendant ce temps là on évite de se poser les questions de la légitimité démocratique et de l’efficacité sociale de la domination du monde par les financiers.


Voir en ligne : VW Forest ou la logique implacable de l’économie mondialisée (Le Soir - Carte blanche Olivier Hubert)


[1Non, je ne vais pas me mettre à défendre l’Europe pour le compte... Il faut peut-être juste rappeler qu’elle est ce que les Etats en ont fait... Et qu’à 25 et bientôt 27, obligés de trancher les questions sociales à l’unanimité, ça va pas rigoler...

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