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Comment une Présidence de conseil "prépare" ses décisions ?
mardi 11 mai 2004, par
*** 17/11/2006 : Article intialement publié sur le site d’ECOLO Anderlecht et rapatrié ici "in memoriam" :-) ***
En complément à l’article "Le Conseil des Ministres se torcherait-il le c... avec les décisions du Parlement européen ?!", quelques liens pour imaginer un peu comment on travaille ce genre de dossier et voir si, peut-être, quelques dirigeants d’entreprises (certes très riches et mondiales) auraient plus voix au chapitre que quelques centaines de milliers de citoyens ou même que leurs 600 à 700 représentants démocratiquement élus, eux...
Préambule
Comme dans toute bonne histoire, on commence par annoncer qu’il va se passer quelque chose, mais pas trop clairement, hein, c’est juste pour mettre l’eau à la bouche et, tant qu’à faire, noyer le poisson (dans l’eau qui est à la bouche ?).
Cela s’intitule :
Les priorités de la présidence irlandaise
C’est donc une sorte de mise en bouche, une annonce diplomatique des intentions. Cherchez bien... Mais si, on parle de "rénover le marché intérieur", de "compétitivité" et toute cette sorte de choses. Vous pensez "ultra libéralisme" et tout ça ? Mais non, enfin, qu’allez-vous chercher ! On parle aussi de dialogue social, d’égalité des sexes et tout et tout... Aaaah ! Le suspense est entier : il y aura peut-être des avancées sociales dans les six mois.
Chapitre 1 : "pauvre" Europe, tu as des besoins...
Comme il se doit, le dialogue social a lieu. Le suspense né du préambule est à son comble. Vous rendez vous compte ? Du social en Europe ? Certes, c’est un dialogue pas une directive, mais bon, on ne va pas faire la fine bouche ?
Le 25 mars 2004, le site de la présidence brosse donc le cadre général. En fait de dialogue social, on dit aux syndicats "on veut tous la même chose : de l’emploi". On dit aussi une chose qui a très bonne presse : "il faut innover". En sandwich entre les deux : "la concurrence"... Là, ça commence à rassurer. Le suspsense né de l’idée d’avancées sociales décroit. Il faut s’occuper de la concurrence. Surtout qu’il y a dix petits nouveaux qui se pointent derrière la porte et qui symbolisent la concurrence "méchante" car déloyale : "ces gens-là travaillent pour rien, vous savez...".
Chapitre 2 : SuperCompétitivité entre en jeu
Ouf ! Voilà, c’est dit, la James Bond des sauvetrices de l’humanité de la "pauvre" Europe est là ! Si Méchante-concurrence se pointe dans l’histoire, on n’a plus qu’à faire appel à elle : SuperCompétitivité est notre seul espoir. Elle seule peut nous sauver de la chute infâmante dans les limbes de la délocalisation et du chômage (avec ce qu’on coûte à chaque heure, faut pas rêver, hein ?).
Chefs d’entreprises et dirigeants politiques discutent du défi de la compétitivité
Nous sommes le 25 avril 2004. Comme il se doit, notre héros et s’entoure de quelques disciples et ils discutent "entre amis" de la "compétitivité" qui permettra bien entendu de rencontrer le "besoin" énoncé plus haut... Un petit W-E comme ça, tranquille. Tous frais payés, bien entendu, rassurez-vous... Faut bien se coordonner de temps en temps, non.
La peur remonte d’un cran. Le suspense sur les avancées sociales reste entier : ce sera sans doute pour un autre tome mais chuuuut, c’est encore un secret. Qui a demandé si les syndicats étaient invités ?
Ne soyez pas stupides : même s’ils étaient là, à ce stade de l’histoire cela n’a aucune importance. Les syndicats, ils représentent la vieille et pauvre Europe, celle qui mène des combats d’arrière garde et qui, à cause de ça, s’appauvrit de jour en jour because manque de dynamisme et toutes ces choses... Pourquoi on mettrait pas aussi le Parlement européen dans les héros, tant que vous y êtes... Non, soyons sérieux : les héros doivent sauver les victimes. Les victimes qui deviennent héros, c’est bon pour la mythologie. Ici c’est une histoire moderne, dynamique, médiatique. Pour les hsitoires de l’ancien temps, rendez-vous dans votre bibliothèque et silence ! Non mais...
Chapitre 3 : l’arme fatale
Voilà. A partir de maintenant, tout va aller très vite. SuperCompétitivité a sorti son arme fatale. Les "pauvres" européens sentent déjà bien que cela va aller mieux. Plus tard, certes, mais Rome ne s’est pas faite en un jour. Et parmi les miséreux à sauver, il y en a sans doute qui ne vont pas se rendre compte que tout ça c’est pour leur bien. C’est pas compliqué : si il fallait commencer à construire Rome maintenant, avec ceux-là, c’est pas 2500 ans qu’il faudrait, mais bien 2500 siècles !
Donc, pas de panique, notre super-héros et ses amis ont la bonne arme, celle que l’ennemi ne pourra pas contrer !
Cela, c’est le 26 avril 2004, le lendemain quoi. On a une série de solutions possibles parmi lesquelles, ô surprise, le brevetabilité des logiciels ! Figurez-vous que tout le reste est oublié. Cette sacro-sainte brevetabilité n’est plus qu’un efficace moyen de défendre nos créateurs et entrepreneurs européens. Sans surprise, il n’est pas mentionné que cet argument est FAUX . Mais arrêtons-nous un instant sur les pensées profondes de Mme la Ministre en charge du dossier... [1]
La Tánaiste [2] a déclaré que le message des dirigeants d’entreprise envoyé à l’UE était que "l’externalisation" vers l’Extrême-Orient n’était pas le problème." Elle a ajouté "Il nous faut nous concentrer sur la hausse de notre productivité et faire des affaires autrement. Les décisions des investisseurs seront influencées par le climat régnant dans l’Union européenne et particulièrement dans les différents Etats membres. Nous avons été vivement encouragés ce matin à assouplir notre réglementation et soutenir l’innovation."
Elle a ajouté que l’UE devait s’entendre sur la question du brevet communautaire notamment afin que les inventeurs aient, à l’échelle européenne, un brevet unique protégeant leurs inventions. "Le message très clair de ce matin a été que l’Europe a le potentiel de réussir son expansion à la condition qu’elle prenne les bonnes décisions en matière de législation. C’est à notre portée. Ce ne sont pas les influences extérieures qui freinent l’Europe ; c’est l’Europe elle-même et sa manière de prendre des décisions qui sont en cause."
"Nous devons accélérer notre processus décisionnel pour les acteurs d’un marché extrêmement compétitif. Il a été fait allusion, par exemple, à la Californie où une législation pleine de bonnes intentions a fait passer la Californie en 10 ans de l’Etat le plus prospère des Etats-Unis au rang de 49e état sur 50. Il nous a été demandé expressément de ne pas suivre l’exemple californien, de légiférer pour fixer des seuils, et non des plafonds ; en d’autres termes, de légiférer pour des minima et non de chercher la solution miracle à tous les problèmes par des législations et réglementations qui font fuir les investisseurs et délocalisent les emplois."
C’était donc ça : les brevets c’est pas une mauvaise chose contre-productive et tout ça, cela sert à faire du pognon ! Donc, si on a des brevets, on se protège, donc on a plus de pognon, donc on peut être plus concurrentiels et plus compétitifs, peut-être même sans aggraver la pauvreté, sans mettre des gens au chômage et tout ça... Enfin ça n’est pas si sûr mais si on peut s’en tirer ne fut-ce qu’un peu en brevetant simplement nos inventions, on aurait tort de se gêner hein !
Et puis ce serait vraiment trop moche de devenir aussi pauvres que la Californie. Quand même... Après ça on s’étonne que ces pauvres gens choisissent des dirigeants douteux. Mais il fallait y penser avant de les appauvrir en étant trop rigide, mon bon Monsieur !
Epilogue
Voilà, c’est dit : tant pis pour le Parlement européen et tout ça. On va sauver les 449.680.000 quasi-pauvres européens en brevetant les logiciels. Et les 320.000 pauvres qui ont pétitionné contre ça, ils seront sauvés aussi, malgré eux, parce qu’on est gentils. Pas comme eux qui font rien que s’opposer à tout. Il y en a même qui font des logiciels gratuits et publics et tout soi-disant pour rien. Pour rien ? Sauf pour embêter notre héros SuperCompétitivité !
Enfin, voilà, c’est dit : les chinois et les autres ils pourront pas lutter avec nos propres logiciels sans payer (c’est déjà comme ça) mais en plus même s’ils en créent auxquels on avait déjà pensé sans les réaliser, ils devront payer aussi. C’est pas cool ça ?
J’en entends qui sussurent des choses sur les risques d’employer une telle arme ? Mais parlez clairs, voyons, après vous viendrez encore vous plaindre qu’on ne vous écoute pas...
Vous dites qu’on devra se coordonner avec les américains et tout ? Mais enfin, vous vous êtes trompés de série ! Ici on est entre nous : les trucs avec les américains, cela paraît dans la collection "Les Belles Histoires de l’OMC", pas dans les "Chroniques de l’Europe moderne en paix depuis 40 ans donc c’est elle qu’il nous faut". [3]
C’est dingue : ils se trompent carrément de collection, pas seulement d’histoire ou de tome, non. Carrément de collection. Comme si les décisions du Conseil des Ministres de l’UE avaient quelque chose à voir avec l’OMC. On leur a pourtant souvent dit que ce qui se passe à l’OMC est inévitable et qu’on y peut rien. Mais ils refusent de nous croire et le plus fort c’est que dans quelques années, quand SuperCompétitivité sera un héros passé de mode, ils viendront sans doute nous dire que c’est notre faute... Ces gens-là, Madame, ils n’hésitent pas à mordre la main qui les nourrit ! Et après ça ils vous salissent les oreilles avec des mots comme solidarité, justice et progrès...
Heureusement qu’on le sens du devoir à l’Union européenne...
[1] Extraits de la page : "L’UE a besoin...".
[2] vice-première ministre ou quelque chose comme ça
[3] Je cherche à écrire une note de bas de page qui s’étalerait sur plusieurs lignes... Je cherche à écrire une note de bas de page qui s’étalerait sur plusieurs lignes... Je cherche à écrire une note de bas de page qui s’étalerait sur plusieurs lignes... Je cherche à écrire une note de bas de page qui s’étalerait sur plusieurs lignes... Je cherche à écrire une note de bas de page qui s’étalerait sur plusieurs lignes... Je cherche à écrire une note de bas de page qui s’étalerait sur plusieurs lignes... Je cherche à écrire une note de bas de page qui s’étalerait sur plusieurs lignes...
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